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?Qui sera la relève d’un Liban à terre
المصدر: النهار - Serena Rassam
?Qui sera la relève d’un Liban à terre
Disserter sur notre misère serait une entreprise stérile
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Disserter sur notre misère serait une entreprise stérile.
Le Liban est saigné à blanc, et les libanais aussi. Je ne ferais pas de discours irréaliste, celui où l’on brode sur les mots, où l’on ferme les yeux sur la triste vérité et celui que l’on clôture par “l’espoir, c’est vous, les jeunes “.
Notre cause est vouée à l’échec, surtout dans le contexte géopolitique actuel… l’horreur de la guerre turco-azerbaïdjanaise, la guerre russo-ukrainienne qui s’enlise, la montée en puissance des BRICS qui bouleverse l’ordre établi, et ceci pour n’en citer que quelques-uns des sujets qui défraient la chronique, et qui relayent le dossier libanais à l’arrière de la scène.
Face à l’effondrement généralisé du pays, aucune réforme, aucune feuille de route pour la reconstruction du pays n’a été proposée, rien n’a été mis sur la table. La classe politique, sénile et cruellement indifférente, est passée maître dans l’art de se délester de ses responsabilités, trop affairée par ses intérêts privés, trop occupée à jouer aux démagogues populistes face à des foules crédules, à courtiser les États-Unis ou la France ou encore l’Arabie Saoudite…
Dans la liste de leurs préoccupations actuelles, on cite, la répartition des rôles pour la tragi-comédie de l’élection présidentielle, la transformation du dialogue national en dialogue de sourds, assister en tant que spectateurs inutiles au match serré de la normalisation des pays arabes avec Israël, jouer aux diplomates faussement avertis avec le Groupe des 5…
Décidément, le gouvernement de l’incompétence ne déçoit jamais. En matière d’inaction, ils sont imbattables, si bien que la mission de désigner un président pour notre propre pays est confiée à la France ou au Qatar.
Il me semble que la crise économique, au grand dam des déposants dans la misère, ne figure pas vraiment dans la liste de leurs priorités. De même pour les réformes politiques… Ils ne sont pas pressés d’opérer des changements. Un aveu de lâcheté, ou, disons mieux, une déclaration de forfait.
Que font- ils alors ? Ils se contentent d’attendre sagement l’heure où les nouvelles générations prendront la relève. A ce moment-là, ils leur confieront les clefs d’un édifice en ruines, d’un pays détruit où sévit une crise multidimensionnelle, sur fond de corruption endémique, d’éradication de la culture citoyenne, d’absence d’institutions, d’anéantissement du concept de l’Etat de droit… avec la mission impossible de le rebâtir.
Ils pensent à tort que la nouvelle génération brandira le drapeau libanais, et s’unira, toutes confessions confondues, telle une Ligue de Délos, face aux démons qui étouffent le pays. Ils supposent que les jeunes libanais œuvreront pour la paix, pour un pacte national, et qu’ils mettront définitivement leur appartenance communautaire de côté.
Sauf que la jeunesse n’est que le calque de ses aînés. Chaque foule s’inféode à un chef et à sa soi-disant idéologie, porte les couleurs d’un drapeau qui n’est pas celui du Liban, et chante des slogans qui traduisent une définition différente de la même nation. Aux slogans anti syriens répondent des slogans pro syriens, aux slogans récusant l’ingérence occidentale font écho des slogans favorables aux Occidentaux, aux slogans louant les partis politiques traditionnels font face des slogans qui les fustigent, glorifiant l’esprit de la « thaoura ».
Détrompez- vous, les jeunes ne sont pas tous patriotes et n’ont pas appris des erreurs de leurs parents. Hébétés applaudisseurs à des inepties de tout genre, ils défendent toujours avec ferveur, à feu et à sang, un chef de clan, pour qui ils sont prêts à tout.
Le fossé qui se creuse alors entre le pays actuel et celui imaginé, rêvé, voulu par chaque citoyen, est un abîme sans fin.
Ma critique est double : d’une part, je dénonce les dirigeants de cet Etat qui ont œuvré, au cours de plusieurs décennies noires, pour sa chute, et qui, à défaut de tenter de sauver le pays en entreprenant des réformes concrètes, se tournent vers les jeunes pour prendre la relève. Or, c’est le tonneau des Danaïdes.
D’autre part, la majorité des jeunes libanais et libanaises, sont dépourvus de jugement raisonnable, sont dénués de clairvoyance, et ne remettent pas en question les orientations politiques de leurs aînés avant de les suivre.
Le Liban est à réinventer, à partir des décombres et de la faillite dramatique de l’Etat.
Aux honorables dirigeants, vous avez beau être incompétents, le monopole du pouvoir vous appartient. Théorie mise à part, parlons realpolitik. Le peuple ne peut pratiquement rien faire, et encore moins les jeunes, à qui vous avez ruiné le futur. La moindre des choses que vous puissiez faire est de prendre vos responsabilités en main, et d’agir, dans l’infime temps qu’il vous reste au pouvoir, pour la reconstruction de la nation, tout en sachant que quoi qu’il advienne, vous croupirez dans les geôles de l’Histoire, pour les crimes imprescriptibles que vous avez commis.
 
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