Bienvenue dans l’âge de la déraison. L’âge des médiocraties, de l’immoralité, et du triomphe du quotient d’intelligence à deux chiffres. L’ère où l’instinct l’emporte sur la raison, l’ère où l’homme est otage d’une illusion, celle d’être au sommet de la gloire alors qu’il est au plus bas de sa déchéance.
Triste constat pour nos prédecesseurs, pour les figures éminentes des siècles derniers, les personnages de l’Histoire qui se sont battus pour nous. Ils ont fait de la liberté, de l’égalité, des droits de l’homme, de la tolérance, leur combat, croyant léguer un monde meilleur aux générations à venir. Je me demande ce qu’ils diraient, s’ils voyaient le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, clairement aux antipodes de celui qu’ils avaient imaginé. Leurs idéaux, réduits à de l’encre sur du papier, ont été dévoyés.
Il est loin le temps où l’homme avait de hautes aspirations. Le génie humain semble aujourd’hui un lointain mirage.
Trois faits rythment l’histoire de l’humanité : civilisation, colonisation, et extermination.
La civilisation, qui était le maître mot de l’ère moderne, prend des airs de barbarisme, ou disons-mieux, de jungle humaine.
La colonisation est toujours d’actualité, sauf que les rôles sont inversés : ce sont les colonisateurs du passé qui se retrouvent aujourd’hui colonisés.
Quant à l’extermination, elle semble bien proche dans l’ombre de l’intelligence artificielle qui est plus réelle qu’artificielle. La race humaine s’est décidémment sabordée.
Au regard de la médiocrité ambiante, moins on pense, plus on est. La maxime de Descartes n’a visiblement pas résisté à l’épreuve du temps.
Sous les yeux blasés de Victor Hugo, nous sommes devenus des misérables, condamnés à contempler les vestiges de la gloire du passé, l’abîme géant qui s’est ouvert sous nos pieds, faute de mesures avisées à sauver la morale, les valeurs, et l’éthique.
Il y a des crimes sans châtiments, il y a le rouge sang innocent versé en vain, et le noir de la nécrose de ce sang qui sèche vite. Et comme l’a dit un certain Proust, nous sommes à la recherche du temps perdu, du temps perdu à faire des erreurs, et à les refaire incessamment, en promettant à chaque fois qu’on avait appris la leçon. Beckett nous avait pourtant prévenu, l’attente sera longue. L’humanité ne connaîtra pas de changement radical de sitôt, il faut dire qu’au cours des siècles, les hommes ont toujours commis les mêmes péchés, ont toujours été animés par les mêmes ardeurs, et ne se sont jamais remis en question. Tolstoï avait vu juste, le monde oscille éternellement entre guerre et paix.
Que dirait Balzac quand il verra que son œuvre a pris vie ? La comédie humaine, où les dirigeants scellent des accords dans les coulisses, reprennent leurs personnages sur scène, et déversent des paroles creuses aux journalistes à l’intermède, la comédie humaine où chacun se cache derrière un pseudonyme, s’invente une vie à en faire mourir d’envie les autres, la comédie humaine où moralité est remplacée par rentabilité.
On se bat ardemment pour les droits des transgenres, on se croit subversif, séditieux, et on en est fiers, mais on se mure dans le silence face à un génocide. On condamne le terrorisme, mais quand c’est des gens qui nous ressemblent qui en sont les auteurs, ca devient de la défense légitime. On s’acharne à défendre les droits de l’homme mais on assiste, indifférents, à une vague de violence satanique se déchaîner sur des innocents.
Des mécréants qui maudissent Dieu, qui se croient dieu, qui s’inventent des dieux, et qui se soulèvent contre les croyants qui s’inclinent devant Dieu, en disant qu’ils sont arriérés, hébétés, et qu’ils vivent dans une autre réalité. À croire que la religion est la source de tous les maux du monde.
Des ignorants déifiés qui défient Dieu, qui ne savent écrire qu’en abrégé, qui se surpassent dans leur médiocrité, qui confondent opinion et vérité. Leurs commentaires particulièrement édifiants, qui foisonnent de perspicacité et de richesse d’esprit sur les réseaux sociaux, sont la preuve que l’intelligence a capitulé. À croire qu’on ne devient pas raté, on naît ainsi.
Les gens qui nous gouvernent ne sont que des personnalités qui devraient être alitées, des déments qui mentent, des séniles échappés de l’asile, et on ose appeler ça un gouvernement. Des politiciens, qui n’ont que le titre à défaut d’en avoir la valeur, n’ont décidémment rien à envier aux grands auteurs de La Parnasse. Leur revisite exquise de « L’art pour l’art » en « La guerre pour la guerre » connaît un succès mondial. Dans l’âge de la déraison, c’est le gouvernement de l’incompétence composé de dirigeants vénaux qui gouvernent un peuple qui ne comprend même pas le système. La société d’hyperconsommation est obnubilée par le mythe du bonheur lié à l’achat de produits de tous genres, l’euphorie factice est alors remplacée par une déception amère, qui elle, est bien réelle. L’homo consumericus est manipulé par les pouvoirs qui le gouvernent, sans savoir que le pouvoir appartient à tout le monde sauf lui. Qui l’aurait cru ? Le roman satirique de George Orwell « La Ferme des animaux » est d’une telle acuité qu’il se révèle comme une prophétie autoréalisatrice.
Le peuple s’enflamme au regard d’une idéologie adverse à la sienne, se révolte face aux idées discordantes, insulte ceux qui pensent différemment (ou qui pensent tout court), et on ose appeler ça une démocratie. Une piqûre de rappel ne ferait de mal à personne : l’essence de la démocratie c’est le traitement des contradictions par le compromis.
Les idées fusent dans mon esprit et je peine à mettre des mots sur la médiocrité du monde dans lequel on vit. À mesure que le temps passe, je mesure l’horreur de la nature humaine. Le bien est si rare et le mal se répand sur Terre en quantité industrielle. La plume étant plus forte que l’épée, j’affûterai la mienne pour dénoncer le suicide de la civilisation, et pour restaurer un référentiel de valeurs et de qualités morales pour la conduite de l’homme.